Rencontre avec Julie De Wever, lauréate du Prix de thèse 2023

Témoignages - Portraits

Docteure en psychologie, Julie De Wever fait partie des quatre lauréats du Prix de thèse 2023 organisé par les écoles doctorales de l’UPJV. Elle se confie sur son parcours.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Julie, j’ai 30 ans et suis originaire de Saint-Quentin. Je suis psychologue spécialisée en neuropsychologie depuis 2018 et docteure en psychologie depuis le 10 janvier 2023. Mon temps de travail est réparti entre plusieurs activités :

  • Une activité clinique en psychologie (spécialité de neuropsychologie) pour 80% de mon temps de travail, auprès de patients principalement cérébro-lésés, au sein d’un centre de soins médicaux et de réadaptation (Pôle de Santé de Breteuil)
  • Une activité de formation et de recherche en centre de simulation en santé et de pédagogie active multidisciplinaire (SimUSanté, CHU Amiens) axé principalement sur la formation à la relation soignant-soigné (communication, empathie), la ludopédagogie (pédagogie par le jeu) et la formation de patients simulés.

Je suis également chargée d’enseignement vacataire à l’Université de Picardie Jules Verne (UPJV) et chercheuse associée au laboratoire de psychologie CRP-CPO UR UPV 77273. Je me suis aussi formée durant ma thèse à être formatrice en improvisation appliquée et fais partie de l’association Mouvement d’Improvisation Amiénois.

Humainement, mes patients m'attribuent souvent des totems associés à la curiosité, la sociabilité, la bienveillance et la créativité. Je suis une très grande fan de randonnée en montagne et une grande consommatrice de post-its. Je pratique l’improvisation théâtrale depuis 6 ans et fais aussi de la peinture sur toile.

Quel a été votre parcours avant le doctorat ?

Avant le doctorat, j’ai effectué l’ensemble de mon parcours de formation en psychologie (Licence puis Master) au sein de l’UPJV.

J’ai réalisé un parcours en Master en Psychologie intitulé parcours Psychologie, Handicaps et Déficiences, en spécialité de Neuropsychologie. Au cours de ma formation, j’ai eu l’opportunité de réaliser plusieurs stages (en services de neurologie, réadaptation, ou encore en EHPAD) et deux mémoires de recherche (sur les marqueurs cognitifs de la somnolence et sur la dépression dans une population âgée porteuse de la maladie de Parkinson).

J’ai ainsi pu valider mon titre de psychologue en juin 2018, avant de débuter mon doctorat en septembre de la même année.

Pourquoi avez-vous choisi de faire une thèse ?

Tôt dans mon cursus, j’appréciais déjà ce que représentait un travail de thèse : mener une démarche de recherche, comprendre, s’approprier un sujet, s’informer, apprendre, affiner la démarche de chercher tout au long de la vie, communiquer de manière pédagogique et transmettre un savoir en évolution permanente. Mes études en psychologie ont ensuite confirmé que cette démarche pouvait me plaire concrètement car j’ai particulièrement apprécié de mener les travaux de recherche dans le cadre des mémoires de Master.

Cela était aussi en accord avec le projet professionnel que j’envisageais initialement : avoir une pratique clinique auprès de patients, en complément d’une pratique de recherche et d’enseignement. J’avais en tête que la clinique pouvait permettre de nourrir la recherche tout comme la recherche pouvait nourrir la clinique.

Le sujet de ma thèse m’intéressait particulièrement, au vu de son caractère innovant, du défi qu’il pouvait représenter dans son aspect pluridisciplinaire et aussi parce qu’il me semblait porteur de valeurs qui faisaient sens pour moi, d’un point de vue professionnel comme personnel. Ces éléments m’ont permis de me projeter sur le fait d’être en mesure d’y travailler pendant plusieurs années et de le co-porter pour de bonnes raisons.

Ce qui a permis de confirmer ma motivation a aussi été les encadrants, avec qui je me suis sentie en confiance dès l’entretien. Ils ont tous les deux pris le temps de m’expliquer leur manière de travailler, pris la précaution de m’inciter à contacter leurs anciens doctorants pour être en mesure de faire ce choix de manière la plus claire possible, en me rappelant combien il était important que je puisse me sentir à l’aise et en confiance. Ce qui a été totalement le cas.

Quel est votre sujet de thèse ?

Mon sujet de thèse porte sur l’intérêt d’une formation à l’improvisation appliquée et à la simulation en santé pour développer les compétences de communication empathique et de prise de décision des étudiants en santé.

Plus concrètement, il porte sur le fait que le quotidien des professionnels de santé demande bien plus que des compétences uniquement techniques, il appelle d’indispensables capacités psychosociales (dites « non-techniques ») comme décider, communiquer de manière empathique. Si les formations existantes offrent des outils précieux, elles peuvent rester limitées pour développer ces compétences psychosociales. Nous avons cherché à savoir comment mieux préparer les professionnels de santé, en se basant sur une pratique artistique : l’improvisation théâtrale. Si elle peut sembler éloignée à première vue, elle répond en fait aux critères recherchés en l’adaptant à la formation en santé. Par exemple, les participants pouvaient travailler l’empathie en incarnant un professionnel de santé amené à annoncer un diagnostic à un patient, et en inversant leurs rôles à tout moment, avant de debriefer collectivement sur leurs ressentis et pistes d’amélioration. Cette approche favorise un apprentissage interactif, émotionnel et collaboratif.

Nous avons proposé des sessions de formation à l’improvisation appliquée en santé aux étudiants en santé de l’UPJV dans le cadre d’une UE libre à raison de 6 sessions de 3h. A l’issue, les étudiants pouvaient mettre en pratique leurs acquis lors de simulations cliniques. Ces simulations réunissaient des étudiants en santé de différentes disciplines (médecine, orthophonie, pharmacie, maïeutique…), niveaux (2e à la 5e année) et des étudiants en arts, formés aussi à l’improvisation appliquée pour jouer des rôles de patients réalistes, en se basant sur des scripts de scénarios spécifiquement écrits. Chaque simulation était ensuite suivie d’un debriefing collaboratif, facilité par des professionnels en santé, en arts et en psychologie. Nous avons administré des échelles d’auto-évaluation et épreuves informatisées avant et après les sessions d’improvisation et utilisé une échelle d’observation originale.

L’improvisation appliquée a présenté des bénéfices pour les capacités de métacognition décisionnelles, pour plusieurs dimensions de l’empathie et pour la communication. La simulation a eu un impact positif sur la communication, mais pas sur l’empathie. Cette thèse a permis de développer une formation originale, transdisciplinaire et a ouvert la porte à de nombreuses perspectives pédagogiques et de recherche.

Avez-vous eu des mentors, des organismes ou des personnes qui vous ont particulièrement soutenue dans votre parcours ?

Tout à fait, de manière centrale, j’ai pu bénéficier du soutien indéfectible de mes deux directeurs de thèse : Mathieu HAINSELIN et Maxime GIGNON. J’ai eu la chance de bénéficier de la qualité de leur accompagnement tout au long de ces années de thèse, de leur expertise scientifique, à l’égale de leur bienveillance. J’ai pu bénéficier de leur disponibilité, de leurs innombrables renforcements positifs et encouragements qui m’ont aidé à regagner confiance à de nombreuses reprises, de leurs multiples conseils qui m’ont fait grandir scientifiquement comme humainement.

J’ai bénéficié de l'entraide bienveillante entre doctorants et du soutien du laboratoire CRP-CPO, tant des conseils avisés des enseignants chercheurs, ingénieurs de recherche, comme de l’ensemble de l’équipe administrative et de recherche ; mais également du soutien de SimUSanté coordonné par Christine AMMIRATI, Béatrice JAMAULT, avec l’expertise de Carole AMSALEM, Éric DESSENNE et l’aide indispensable de l’ensemble de l’équipe. Tant pour la création des scénarios que pour l’élaboration des outils d’évaluation ou encore la mise en place technique et pratique des simulations.

J’ai aussi eu la chance de collaborer avec Magali QUILLICO, chargée des formations à l’improvisation théâtrale au cœur de cette thèse, tant pour élaborer des scénarios de simulation, administrer des protocoles qu’improviser. Une aide, un soutien et un modèle précieux tant sur le plan professionnel qu’humain.

Lors de cette thèse, j’ai aussi bénéficié de la contribution essentielle de l’Association en Santé Mentale des Etudiants en Santé d’Amiens, avec l’aide des UFR, écoles et scolarités de médecine, de psychologie, d’arts ou encore d’orthophonie pour le relai des informations et l’organisation de ces cours d’improvisation. Les étudiants en arts et comédiens improvisateurs du Mouvement d’Improvisation AMiénois ont également été d’un soutien essentiel pour incarner les patients simulés.

Enfin, ma famille et mes proches ont été d'un immense soutien durant cette thèse et tout au long de ces études. Merci pour le modèle que vous êtes pour moi, pour votre patience face à ces week-end studieux, votre soutien, vos encouragements et ce qui va bien au-delà des mots.

Comment envisagez-vous l'après ?

L’après a déjà commencé depuis près de 2 ans, puisque j’ai soutenu ma thèse en janvier 2023, tout en ayant d’ores et déjà commencé à travailler sur 2 établissements (Pôle de Santé de Breteuil et SimUSanté). J’ai ainsi pu initier le projet professionnel que j’envisageais initialement : une pratique clinique auprès de patients, combinée à une pratique de recherche et d’enseignement.

Ce travail que je mène aujourd’hui me passionne par la richesse de sa diversité. Il me donne notamment la possibilité de donner tout son sens à mon travail de thèse, en mettant en application plusieurs projets. Les outils de ma thèse, en plus d’être pédagogiques, sont aussi adaptables à des contextes cliniques variés, comme je l’ai expérimenté en développant depuis 2023, des sessions d’improvisation appliquées en neuropsychologie auprès de patients accueillis dans le pôle de santé où j’exerce. J’ai également pour projet de le développer auprès de l’équipe de réeducateurs et de soignants, notamment dans une perspective d’améliorer la collaboration inter-professionnelle.

Je poursuis aussi le travail de thèse au sein de SimUSanté car nous continuons d’organiser les formations à l’improvisation et à la simulation. J’en applique aussi les outils également à d’autres contextes, comme le recrutement et la formation de patients simulés, de nouvelles formations en santé ou encore dans le cadre d’événements scientifiques grands publics, comme la Journée des aidants ou encore la fête de la science.

Je souhaiterais ainsi maintenir ces activités complémentaires qui me passionnent et me permettent d’avoir une pratique intégrative de la psychologie. J’envisage donc l’avenir sur la même lancée, avec encore beaucoup de projets qui continueront à donner du sens et faire vivre ce travail de thèse et les valeurs humaines qu’il a insufflé, insuffle et je l’espère insufflera encore.

Que retiendrez-vous de vos années de doctorat ?

Je retiendrai particulièrement la richesse des rencontres et échanges scientifiques, entre pairs et entre disciplines.

Je retiendrai le fait que cela a été un accélérateur formidable de formation condensée, de montée en compétence, qui, je pense, fait gagner en maturité professionnelle beaucoup plus rapidement.

Je retiendrai les sourires et remerciements des étudiants qui ont pu retrouver du sens dans leurs études avec ces formations.

Je retiendrai l’importance du voyage (des apprentissages tout au long) et non seulement de la destination (l’aboutissement par la soutenance).

Je retiendrai que cela a aussi été un formidable outil pour apprendre à se connaître soi-même et à prendre confiance en soi.

Je retiendrai les formidables valeurs humaines que cela m’a appris ; de persévérance, d’entraide, de dépassement de soi, de résilience et d’humilité face à tout ce que j’ai encore à apprendre.

Pouvez-vous nous parler du Prix de thèse ? Comment vous êtes-vous préparée pour ce prix ? Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

J’ai préparé ce Prix de thèse en ayant en tête de profiter du plaisir de parler, une fois encore, de mes travaux, sous une forme similaire à celle que j'ai eu l'habitude d'adopter lors de mes années de thèse, tout en gardant en tête la volonté de rendre la présentation vivante et mes recherches accessibles.

J’ai ainsi pu préparer la trame de présentation, ainsi que le support visuel tous les soirs, après mes journées de travail, de l’annonce de la sélection pour l’audition jusqu’au jour J. J’ai aussi pu bénéficier de la relecture et des conseils de mes directeurs, comme cela a été le cas lors de mes années de thèse.

Ce prix représente une reconnaissance importante de l’intérêt des innovations pédagogiques qui ont pu être développées dans cette thèse, de la rigueur scientifique de ce travail ainsi que de l’engagement de tous les acteurs qui ont contribué à cette recherche. Cela, pour améliorer les pratiques pédagogiques, la qualité des soins et l’expérience des patients.

Quels conseils donneriez-vous aux étudiants intéressés par le doctorat ?

Je conseillerais à tous les étudiants intéressés par le doctorat :

  • De s’engager dans un sujet qui les passionne et les motive réellement, car ce sujet va être central pendant plusieurs années, et pour tenir ce marathon, il faut aimer ce que l’on fait.
  • De prendre le temps de se renseigner sur ses futurs directeurs de thèse (auprès d’anciens doctorants ou doctorants actuels par exemple), pour être le plus serein possible, tant sur la façon de travailler que sur le plan relationnel. Il est important de se sentir à l’aise avec son équipe d’encadrement, car elle devient presque une seconde famille.
  • De parvenir à trouver un bon équilibre d’organisation pour garder du temps pour soi, ses proches, ses activités, tout en maintenant le cap des objectifs du travail de thèse. De parvenir à couper et prendre de vraies pauses, car la pause fait partie de la musique.
  • De ne pas hésiter à parler des difficultés rencontrées à ses encadrants ou à ses pairs, afin de se rendre compte que l’on n’est pas seul face aux doutes, face aux difficultés.
  • De rester curieux, d’OSER aller discuter avec des chercheurs en congrès, de poser des questions.
  • De prendre plaisir par-dessus tout, car la passion se partage et se transmet encore mieux.